PROMENADE ENCHANTEE - Les Attractions

Promenade enchantée, petits contes de l'au-delà : Les Attractions

La Lampe Magique

enluminure Un saut dans la lampe d’Aladin :
Je te pousse dedans et t’y rejoins.
Voilà, nous sommes deux génies bien espiègles.
On va d’abord rendre bêtes les gens intelligents,
En tout cas les inconscients,
Peut-être seront-ils plus braves
Et feront-ils moins de dégâts.
Puis on amplifiera les braves gens,
Surtout les jardiniers,
Pour qu’ils redonnent
A la Terre l’engrais dont elle a besoin
Et qu’ils fassent meilleure utilisation
Des fumiers qu’elle porte,
Et aussi les nounous et les vieilles dames
Qui s’occupent des enfants,
Car c’est cet amour là qu’ils porteront
Toute leur vie
Et transmettront ensuite
Pour que l’ensemble ait un sens.

Le Miroir

enluminure Quand nous arriverons au miroir,
Je te déshabillerai, pour te purifier.
Comme un nouveau-né, je te décrasserai,
Te passerai des tuyaux dans le nez et dans la gorge,
Te raclerai les omoplates et la bedaine,
Te brosserai les gencives,
T’offrirai généreusement quelques piqûres
Dans les fesses et au talon
Pour te rappeler les souvenirs oubliés
De tes premières minutes de vie.
Lors, en cet instant précis,
Tu reverras défiler ton existence,
La mémoire se lavera
De ses tonnes de poussière
Et des brumes surgiront
Les fondamentaux de ton être
Et cette rencontre
Qui te mène aujourd’hui,
Après ces épreuves,
Dans mes bras.

La Machine à Rêves

enluminure Tout près se trouve la machine à rêves.
C’est un procédé proche de l’imprimerie
Mais beaucoup plus subtil.
Les cas ici sont traités individuellement.
On essaye d’y arrondir les angles,
D’y réparer les injustices originelles
En y préparant pour les plus jeunes, les plus démunis,
Les plus belles envolées
Et pour les gros méchants de bon vieux cauchemars
A dormir debout.

Mais hélas ce n’est pas si simple
Et les cafouillages ne sont pas rares,
Les images s’entrecroisent, les feuillets se mélangent ;
L’interprétation en devient difficile.
Le mieux encore est de rêver tout éveillé.

Le Grand Huit

enluminure Le Grand Huit est une destination troublante,
Un voyage dont on ne revient pas indemne.
De loin il vous regarde comme deux yeux chafouins,
En louchant sur vous pour vous attirer dans son wagonnet.
Puis c’est le départ.
Le Grand Huit est monté en ruban de Mœbius,
Quand vous vous croyez d’un côté,
Vous êtes en fait de l’autre
Et ceux qui sont de l’autre côté sont en fait du même.
Le Grand Huit tourne aussi, comme la Terre :
Quand vous croyez avoir la tête en bas, elle est en haut
Et si vous regardez à droite, vous voyez à gauche.
C’est une machine à broyer les repères,
A changer les points de vue,
A brouiller les cartes des conventions,
Certains en sont malades.
Mais oubliez votre temps rigide sur son axe,
Laissez vos trois dimensions au vestiaire
Et vous profiterez alors du spectacle
Comme jamais vous n’auriez pu l’imaginer.

Le Centre du Monde

enluminure Viens voir le centre du monde.
Il est unique et multiple à la fois.
Une performance des ingénieurs.
C’est un genre de gigantesque nombril
Conçu comme un miroir parabolique
Où chaque visiteur se reflète en son centre,
Grossi mille fois
Et lorsque l’image est parfaitement formée
Et nettement visible
Une masse d’eau diluvienne
Vient écraser en plein cœur
L’image du spectateur gonflé d’orgueil ;
Ce dernier repart la queue basse,
Avec la certitude pratique
Que le centre n’est pas nécessairement la meilleure place
Et que le nombril est très bien là où il est,
Sous son T-shirt.

Le Bac à Sable

enluminure C’est toujours un bonheur que de visiter le bac à sable.
On s’assied avec les enfants,
On discute, on rit, on réinvente un monde en sable
Avec eux, sans contrainte
Et sans avoir à décliner son identité
Ni sa profession, sa nationalité, sa situation familiale
Ou encore son numéro de sécurité sociale.
On construit simplement un monde par-ci
Un monde par-là,
En grain de sable anonyme
Passant un bon moment
Avec d’autres grains de sable anonymes
Et cela ne nous empêche pas
De faire un très joli château.

La Cage à Poules

enluminure La cage à poules n’est pas ce que l’on croit.
Il y a autant de barreaux que dans les cages normales,
Mais ils ne sont pas disposés en cellule.
Bien au contraire, ils sont en escalier,
Pour grimper et s’échapper par la fenêtre,
Mener à ce premier petit paradis
Où plus rien ne nous sépare du ciel.
Pas de poules visibles non plus,
Mais parfois quelques belles mamans
Au regard si mélancolique et triste
Qu’on les aimerait sur le champ
Si une armada de caquetages ne se dressait pas
Chaque fois qu’on lève le petit doigt
Pour offrir quelques graines d’amour.

Le Chapeau du Magicien

enluminure Cette montagne là-bas, en forme de melon,
C’est le chapeau du magicien.
On y rentre par la porte principale
Au pied de la colline,
Mais on ne sait par où l'on en sort,
Ni comment, ni quand, ni même si.
Car dedans on s’y plaît beaucoup.
Il y a une multitude de salles et labyrinthes,
Tous plus riches et surprenants les uns que les autres,
Où l’on fait des tours et des tours.
On y voit des douleurs disparaître,
Des nœuds de souffrance s’envoler en fumée
Dans des foulards colorés d’espoir,
Des colombes de la paix filer vers les guerres,
Des femmes coupées en quatre pour nourrir leur famille
Retrouver toute leur dignité.
Mais le plus beau numéro,
C’est celui du magicien lui-même,
Personne ne l’a jamais vu,
Et pourtant il est bien là.

Le Train Fantôme

enluminure Le petit train fait le tour du parc,
Trois petits tours plus exactement,
Et puis s’en vont les voyageurs.
Il les ramène au point de départ,
Et pourtant ils le prennent,
Ou on les a mis dedans.
C’est bien que ce n’est pas tant le but
Qui compte
Mais le chemin.
Celui-ci serpente entre les pans de Vie,
Les connecte, les traverse, les évite,
Parfois s’éternise de longues années sur un seul regard,
Parfois file droit à vive allure,
Sans rien voir du paysage ni du voisinage,
Pour arriver pourtant,
En même temps,
A la même destination,
Le point de départ.

La Malle au Trésor

enluminure La malle au trésor est une petite maison
Dans laquelle on entre par le toit.
La cheminée conduit directement dans la pièce principale
Et là, comme au pied du sapin,
Vous tombez au beau milieu d’une hotte de Père Noël
Bondée de richesses, un self-service impérial.
Les plus avides se servent prestement
Et repartent aussitôt ;
D’autres, plus cultivés, choisissent avec goût
Puis reprennent le même chemin ;
Mais ceux qui ne sont pas aveuglés
Verront derrière les montagnes d’or
La porte étroite
Qui mène à la chambre secrète
De l’âme sœur
Et ils iront la rejoindre.

Le Château de Cartes

enluminure Voulez-vous être seigneur, roi ou empereur ?
C’est ici que l’on s’entraîne,
Dans le château de cartes.
Dans chaque pièce, une partie du caractère à jouer.
Gagner permet de passer à la pièce suivante,
Au niveau supérieur,
Jusqu’à la plus haute tour
Où le trône attend patiemment.
La simulation ne supporte pas les simulateurs,
Elle détecte les moindres défauts,
Les intentions impures ;
Si vous n’êtes pas Dame ou Roi de cœur,
N’entrez pas,
Le château s’abattra sur vous
Dans un courant d’air glacé
Avant que vous n’ayez le temps
D’abattre les cartes.
Puis il se reconstruira tranquillement,
Comme si de rien n’était,
Dans une disposition différente,
Pour le candidat suivant.

La Mer de Sable

enluminure Dans les dunes s’apprend l’humilité,
Le rapport entre le tout et le rien,
La solitude et la multitude.
Les grains de sable vous le diront :
On se sent très seul dans le désert,
Et pourtant rien n’est autant peuplé
De ses propres congénères.
Ils s’entassent, comme les Hommes dans les villes,
Chacun est minuscule,
Chacun est anonyme,
Chacun est nécessaire
Pour que les vagues de dunes prennent un sens
Et que la Majesté du paysage soit.
Et quand au soleil couchant
Le Souffle d’un vent chaud
S’infiltre dans leur chevelure
On croirait voir se lever
La Création même.

Le Toboggan des Anges

enluminure Les anges sont au départ des créatures éthérées,
Pures certes, mais naïves, innocentes,
Des coquilles vides à modeler.
L’épreuve du toboggan est la plus efficace :
Prise de décision sans filet.
Irréversibilité du choix ;
Une fois en haut, il n’est plus question
De revenir en arrière,
Il faut glisser vers son destin avec courage
Et bien peu de moyens pour en contrôler la trajectoire.
L’arrivée se fait sur un nuage moelleux,
Pour donner le goût à l’épreuve.
Certains finissent par se prendre au jeu
Et deviennent maîtres en la matière.
Ils pourront alors devenir anges gardiens,
Se laisser descendre de temps à autre
Sur la Terre d’en bas
Apporter leur soutien,
A moins qu’un faux pas,
Ou un penchant pour les belles femmes,
Ne les fasse choir.