C’est moi le petit satellite
Dans les grands espaces stellaires,
Je tourne en rond sur mon orbite,
Orphelin, sans père ni mère.
Je tourne sans but et si vite
Que vingt-huit jours vont en poussière
Quand je ferme les paupières,
C’est une de mes réussites.
Je m’ennuie à mourir. En quête
De compagnie, je lance à Terre
D’incessants clins d’œil. Un Poète,
Un Pierrot parfois me repère,
Ohé ! Venez donc me distraire,
Approchez ! Nous ferons la fête,
Ma face cachée si secrète
N’en peut plus d’être solitaire.
Sous son air parfois triste
Et désœuvré la Lune
Sait. Elle a tout vu. Une
Nuit, Hermès Trismégiste
Apporta le message
D’un imminent danger
Sur le plus grand verger
De l’univers des Sages.
Les Dieux se réunirent
Mais il était trop tard,
Survinrent les lascars
Et tous, surpris, périrent.
La Lune abasourdie
Pleura toute son eau
Puis en tournant le dos
Se voila à demi
La face. Il ne lui reste
Depuis ce jour funeste
Qu’un cercle de poètes
Amis qui lui font fête.
Faisant sa ronde régulière
La Lune est un veilleur de nuit
Qui garde la maison des hommes
Depuis qu’existent les fantômes.
Et malgré le temps qui s’enfuit
Avec sa torche de lumière
Elle protège la demeure,
Tourne et retourne incessamment,
Surveille portes et fenêtres,
Parfois cachée, parfois discrète
Voire invisible ou bien brillant
De tous ses feux pour quelques heures
De ronde, émerveillant les mômes
Et rassurant tous les esprits
De sa bienveillante présence ;
Car est venue troubler la danse
Une bande de malappris
Depuis l’affaire de la pomme.
Et si c’était un grand sourire
De petite fille blessée,
Un sourire où l’on a caché
Tout ce que l’on ne veut pas dire
Et qui reste enfoui dans la gorge,
Un sourire de femme mûre
Ayant avalé ses blessures
Et tous les coups portés qui forgent
L’âme, un sourire refermé
Aux habitants de la planète,
- Sauf peut-être quelques poètes -
Pour s’ouvrir à l’infinité
De l’invisible, un grand sourire
Désespéré criant " je t’aime "
Vers le vide où l’on ne sait même
Pas si quelqu’un viendra le lire ?
Et si c’était un grand sourire
Dormant sur la face cachée
Qui attendait son chevalier
Pour mettre fin à son martyre ?
La Lune est un drôle d’oiseau,
Un ancien oiseau migrateur,
Un bel albatros au grand cœur
Prêtant ses ailes aux poètes
Pour qu’ils lui tiennent compagnie
Les nuits où la Terre est en fête.
Maintenant elle est prisonnière,
Pensionnaire de son orbite ;
Le soir elle attend leur visite
Pour s’échapper en poésie
De son univers cellulaire
Et les inviter dans son lit.
La Lune est un drôle d’oiseau
Qui jamais, bien que solitaire,
Ne finira sous les barreaux.
Dame Lune est un chat noir
Qui traverse devant vous
Quand vous rêvez d’une belle.
Sur les toits ou dans les ruelles
Elle avance à pas de loup
Dans l’obscurité du soir,
Puis elle fait ses yeux doux
Et vous conte les histoires
Des amours universelles
Car elle est la passerelle
Des âmes au vent, mémoire
De toujours et de partout.
Restez, je vous en prie !
Voyez cette poussière
Entassée sur mon lit,
Ces tas de vieilles pierres
Immobiles, sans vie.
Depuis des millénaires,
Pas le moindre mari
Et aucun adultère.
Peu d’Apollons ici,
Restez, je vous en prie,
Visitez mes cratères,
Mes rondeurs solitaires
Faites-moi donc plaisir !
Je n’ai rien de Venus,
Ni de Mars, d’Uranus
Mais je puis vous offrir
Vos rêves les plus fous
Ou les plus incroyables,
Vos amours les plus doux,
Vos plus inoubliables
Envolées. Malgré tout,
Si vous devez partir,
Prenez en souvenir
Ce coffret de bijoux